Possédant un morceau de l’étoffe des héros George Clinton ou Sun Ra, Anthony Joseph voyage en classe affaire à bord du vaisseau « Mother Ship ». Originaire de Tobago, exilé à Londres, Anthony Joseph sait ce que syncrétisme, créolisation et connexions aux rhizomes immémoriaux signifient. Rythmant sa prose sans trop de pose, Joseph parvient à faire swinguer les mots, transpirer la syntaxe sous des assauts funk, libérer la parole dans des envolées free-jazz. Très référencé 70’s, l’univers d’Anthony Joseph reflète les éclats d’étoiles lointaines ou défuntes: afro-beat, funk, reggae old-school, makossa, calypso… Souvent comparé à Gil Scott-Heron, LKJ ou les Last Poets pour ses accointances avec une certaine poésie urbaine, Anthony Joseph ne rechigne pas à adopter un certain mimétisme avec Isaac Hayes et surtout Marvin Gaye. Accompagné des puissants Spasm Band, le vaisseau Anthony Joseph parvient tout de même à décoller malgré cet attachement aux racines. Adepte des concerts à la fièvre savamment maîtrisée, Anthony Joseph n’a rien oublié des églises baptistes de son enfance ni des codes de la transgression et de la démesure des carnavals caribéens. Figure montante de la littérature anglaise, avec un roman et divers recueils de poésie, Anthony Joseph n’a donc rien du barde barbant. Entre slam et slalom musical, cette expression d’une certaine liberté musicale ne prend malgré tout pas trop de risque pour vous emmener à bon port dans ce mardi gras syllabique et festif.