Changer le monde ?

Faute de crédits suffisants, le projet Hôtel de l'Europe porté par Jean-Marc Chotteau depuis déjà longtemps a du être mis de côté, un imprévu qui a amené l'équipe de la Virgule à se pencher sur le texte de Thomas Bernhard... Qu'importe, pour Michal Ratynski, voilà l'occasion pour le metteur en scène et comédien français de s'intéresser au texte de l'auteur autrichien. D'abord décontenancé par cette proposition, Jean-Marc Chotteau finit par se plonger dans le texte pour y trouver un univers pas si éloigné de ses autres mises en scène (Le Misanthrope, Le jour où Descartes s'est enrhumé, L'Éloge de la Folie...), et voilà l'homme décidé à devenir sur scène cet odieux monstre, vivant presque coupé du monde avec pour seule compagnie celle d'une femme soumise et de monceaux de livres.

Sur scène, un décor en demi-cercle (« grâce à une belle collaboration avec les ateliers de Mouscron et le décorateur Jacques Voizot » explique le comédien-metteur en scène) sert d'écrin à cet ogre réformateur, intarissable source de mots. Seul avec son épouse, le philosophe attend la visite de notables venus lui remettre un titre universitaire pour son récent ouvrage Traité de la Réforme du monde. Tyran domestique et misanthrope accompli, rien ne trouve grâce aux yeux de l'homme qui recommande une destruction totale du monde. Désespéré et tragique ? « Pas forcément, réplique Jean-Marc Chotteau, le désespoir et la noirceur dont Bernhard pare sa pièce invitent également à un sursaut nécessaire plus qu'à une lamentation ». Pour le reste, cette relecture promet des surprises, « à commencer par le Réformateur, jusqu'ici souvent incarné par des acteurs maigres, alors que l'auteur le décrit comme mangeant sans cesse, il sera donc énorme dans cette création » raconte le comédien entouré pour l'occasion d'un joli casting de fidèles et de nouveaux venus.