Sortir  : Après A s’baraque, voilà votre Nord-Pas de Calais au cinéma…


Dany Boon : Faire un film sur ma région, mes racines, parler librement et avec mon cœur de mon enfance, ma famille, c’est une démarche importante pour moi. C’est également un moyen clair et direct de montrer la réalité du quotidien nordiste, et ainsi changer la réputation négative véhiculée par des gens qui n’y sont jamais allés… Cette image triste et misérabiliste, le Nord-Pas de Calais, qui plus est grande terre d’immigration, ne la mérite pas.

Sortir : Ne craignez-vous pas de sombrer dans la caricature ?


D. Boon : L’objectif du film n’est aucunement de se moquer, mais de briser les clichés pour montrer la région telle qu’elle est réellement. Le Nord ne se limite pas aux vieilles cités minières et à une météo ingrate, mais c’est aussi et surtout une chaleur, de grands espaces, des personnages authentiques et accueillants, symbolisés dans le film par la baraque à frites, le stade de foot, le char à voile sur les plages de Berck… Le Nord, c’est une communauté ouverte sur les autres. A travers les rapports entretenus par le couple Kad Merad-Zoé Felix, le spectateur peut comparer les deux visions antagonistes.

Sortir : A l’inverse, cette assimilation ch’ti ne risque-t-elle pas, quelque part, d’agacer le public nordiste ?


D. Boon : Un cliché reste un cliché, à l’image du le Pastis marseillais ou du snobisme bordelais. Le tout est de ne pas instituer une vision réductrice, donc faussée. D’ailleurs, dans le cinéma, il faut savoir doser la caricature, pour laisser la possibilité au spectateur de s’identifier. C’est ce qui fait que le film est facile à exporter, malgré l’accent ch’ti difficilement traduisible : quelles que soient leur quotidien et leurs habitudes, les gens s’approprient la problématique, profonde et universelle, à travers leurs propres différences. Le film a d’ailleurs été accueilli favorablement partout où nous sommes passés, même si, dans le Nord, le public rie différemment… Il y a même un ami marseillais, venu nous dire : « avec mon camping-car, l’été prochain, je monte vous voir, dans le Nord ! ».

Sortir : Pourquoi ne pas tenir le premier rôle dans votre film ?


D. Boon : Attribuer à un acteur « étranger » le rôle du directeur sudiste muté dans le Nord me semblait essentiel, afin de correspondre à la situation et au personnage, débarquant dans la région quelque peu désarmé et, ainsi, ne pas tomber dans la dérive régionaliste. Au départ, Daniel Auteuil était envisagé et puis l’idée de Kad s’est naturellement imposée. Même sentiment au sujet de Line Renaud, également d’origine nordiste, pour interpréter ma mère. Quant à mon personnage, simple et attachant, il me convient parfaitement : on parle toujours mieux des autres à travers soi. C’est la base de la création…


Sortir : Et le tournage avec Kad ?


D. Boon : Exécrable (sourires)… Ca s’est très bien passé, avec une réelle complicité : je me souviens de la scène où on finit par faire pipi dans le canal : on a d’abord essayé avec du faux pipi et puis finalement on l’a fait pour de vrai, après s’être enfilé trois, quatre, même cinq bières d’un coup… A ce moment-là, le fou rire est vraiment authentique, je n’aurais pu imaginer meilleure prise. Comme l’occasion de cultiver la prostate de Kad !