C'est fou ce que peuvent parfois provoquer les coïncidences. A la sortie d'un parking, Marguerite Muir se fait arracher son sac à main sans qu'elle ne puisse rien y faire. Au détour d'une rue, George Palet ramasse le portefeuille que le voleur a abandonné. Le vieil homme solitaire se jure de remettre son bien en main propre à sa propriétaire. Mais le geste citoyen vire rapidement à l'obsession...

 

On reconnaît bien Alain Resnais et son sens exacerbé de la métaphore, qu'il utilise pour opposer la nature et son fonctionnement aux comportements humains. En signant Les herbes folles, il s'attache d'abord à Marguerite, belle plante inquiète et à George, la mauvaise herbe qui pousse là où on ne l'attend pas, -incarné par un André Dussolier impeccable en psychorigide inquiétant-. Deux âmes esseulés, deux contraires qui s'attirent et se repoussent. George va loin, très loin pourvu que Marguerite (jouée par Sabine Azéma) le remarque. Et le plus étrange, c'est que la dame se laisse presque conquérir par les perversions de son admirateur. Tantôt langoureux, tantôt angoissant, Les herbes folles prend le public à revers en jouant sur les apparences. Qui sont vraiment les protagonistes de l'histoire ? Le pourquoi du comment reste à la discrétion du metteur en scène. Le film devrait ravir les amateurs, déconcerter un peu plus les autres par son scénario à deux vitesses. D'autant que le distributeur s'est offert les services d'Edouard Baer (le narrateur du film) pour jouer la promotion sur le ton de la comédie. Déroutant donc, mais la récompense cannoise accordée au cinéaste pour l'ensemble de sa carrière en est la preuve : à son âge, Alain Resnais, 87 ans, n'a plus rien à prouver.