Le visiteur est accueilli par les dessins des enfants, réalisés lors des ateliers menés dans les écoles primaires lommoise, d'octobre à janvier, autour du papier, que travaillent les quatre artistes invités. Les plasticiens amènent des approches très différentes, des techniques étonnantes, une utilisation personnelle d'un matériau aux multiples facettes. Cette exposition s'inscrit dans le cadre des Fabriques culturelles, un projet autour du papier financé par la LMCU, mené à l'Hospice d'Havré tourquennois, Colysée de Lambersart, et Nautilys de Comines. Entamons la visite avec Marion Pedebernade, alias Waï Waï, jolie brune aux lèvres rouges, qui ne travaille qu'avec du papier. Depuis toujours, elle ne s'arrête jamais de dessiner, aimant le côté membrane fragile du papier, léger, transportable, facilement destructible, « un peu sur le fil du rasoir... Pour moi, le papier, c'est quelque chose que l'on peut habiter, d'où l'idée de ces petites maisons », en papier japonais, d'archives, kraft, empilées, en équilibre. 60 maisons, imaginées pour cette expo, 3 mois de travail, différentes périodes, différents dessins, « des rêveries ». Juste à côté, des dormeurs dans de petites boîtes d'allumettes – lits dessinés, brodés, que l'on peut observer minutieusement. Un mur entier de petits personnages sous la couette, « deux petites filles sont restées scotchées le soir du vernissage. On peut se faire ses petites histoires, lorsque je dessine, c'est pareil ! » Plus monumental, le travail de Carol Lévy, et ses sculptures de papier, déstabilisantes. Le papier, « matériau léger, de récupération, facile à travailler », premier pas de Carol, artiste aguerri, rêveur, vers la sculpture en bois. Il invente une technique d'assemblage, de découpage, de collage, sur une structure, de papier cartonné, qu'il peaufine vingt années durant. On découvre une sculpture de 1995, un homme casoar, autour de l'épopée papoue, « vision tragi-comique, héroïsme déplacé. » Impressionante ! Et à côté, encore plus fascinante, une sculpture de 2000, un plus petit modèle. Un corps en carton papier, une tête cousue en chambre à air, un col en plumes cuivrées, cela « ressemble à une momie péruvienne ». Quant à Helena Faneca, elle enferme des petits morceaux de papiers sur lesquels elle a gribouillé ses humeurs, dans des boîtes, telle une entomologiste. À côté, des tableaux captivants, en noir et blanc, notre minutieuse et impliquée artiste prélève des dessins de comics jaunis, qu'elle colle sur le papier, en reprend les traits, pour prolonger le dessin, créer un nouvel univers, une nouvelle histoire tout autour. Ces miniatures ouvrent la porte d'un incroyable univers, « racines flottantes, chaos, inconscient personnel et collectif, le papier glisse... Je dessine en captant des images dans ma mémoire, comme une écriture automatique ». Ainsi, un autre tableau constitue un amas de têtes, un travail cartographique, « comme la carte du Tendre, mais sur la mémoire. Les chapelles baroques du sud du Portugal et d'Espagne, vues dans mon enfance, ont resurgi ! » Un travail d'où ressort un sentiment d'urgence, et à la fois, la langueur, des tableaux dont la réalisation prend un temps considérable ! Terminons la visite avec le jovial et passionnant Bruno Lalau, qui, lui, fabrique son papier, partie intégrante du processus artistique. Habitant Wambrechies depuis toujours, il est fasciné par les plantes aquatiques, les feuilles d'arbres, de carex, apprend à les reconnaître, et les transformer en papier, les reliant tels d'incroyables livres. Les pages très colorées de ces fragiles ouvrages, reliés de cuirs de poissons, de fils végétaux, découlent sur un autre monde, prennent des formes surprenantes, renferment des trésors... « J'utilise les propriétés même du papier, comment il évolue, se transforme en séchant, crée des reliefs : si le papier est ajouré, ce n'est pas du découpage, mais partie même de la fabrication », dont la recette restera secrète...