Peut-on imaginer un monde sans enfants et de quoi est-ce le signe ? C’est à ces questions que répond l’écrivaine Gerhild Steinbuch avec le livret de Marta, la petite orpheline, seule survivante d’un monde en perdition où la notion d’avenir a fait naufrage avec le reste de ce qui constitua notre passé. « Plus de souvenirs, plus d’attente ». Une ville se meurt, la peur règne, le mal rôde, le pouvoir s’écroule, l’innocence n’existe plus. Sur le plateau, un monde en noir et gris traversé de quelques blanches fulgurances et ponctué par la robe rose de Marta, évoque un univers de dictature - nazisme, Khmers rouges, Corée du Nord, Daesh… - où la violence est le creuset d’un ordre nouveau. Le sacrifice est en marche et les martyrs aussi. Une intense douleur, traverse tous les personnages et notamment Marta (Elsa Benoît) dont l’expressivité et les qualités vocales ont totalement conquis le public de l’Opéra de Lille ce dimanche.

Après Aperghis (2004) et Lévinas (2011 et 2014), c’est au tour de Wolfgang Mitterer de répondre à une commande de l’Opéra de Lille. Il signe avec Marta une musique luxuriante et inclassable portant haut l’art du collage sonore. Le résultat ? Une musique d’une grande intensité dramatique mixant les instruments live de l’Ensemble Ictus (remarquable direction de Clement Power), l’électronique, les voix des solistes (Georg Nigl, Ursula Hesse von den Steinen, Martin Mairinger et Tom Randle) et celles du chœur (Les Cris de Paris). Quant à la mise en scène de Ludovic Lagarde, elle apparaît tellement juste que l’on n’en voudrait pas d’autre.