Sortir Bordeaux Gironde : Un mot sur les origines du projet ?
Christian Rousseau
(le metteur en scène) : Tout est parti d'une rencontre avec Sylvie Nève, dont le travail se concentre principalement sur les contes, qu'elle revisite au niveau des mots, du langage. Monter ce spectacle, c'était l'occasion de rapprocher cette auteure, très portée sur la relation directe avec son public, et un jeune auditoire. De notre côté, avec Les Enfants du Paradis (la compagnie), c'est l'envie de mêler ce travail avec l'histoire de Perrault, profondément ancrée dans la tradition orale, la valeur première du conte.

Sortir : Le tout, sans trahir l'oeuvre originale...
C. Rousseau
: L'histoire de ce conte, tout le monde la connaît : des parents dans le dénuement contraints d'abandonner leurs enfants, une véritable tragédie. Sylvie Nève fait entendre la hardiesse de ce petit bonhomme, de cet enfant qui devient celui qui prend la parole : il affronte ses peurs, trouve des solutions pour au final sauver sa famille, sans se laisser submerger par ses angoisses. Nous-mêmes adultes, on se sort de nos peurs en s'y confrontant. A travers cette histoire et la façon de la raconter, les plus jeunes comprennent que les ogres n'existent pas, mais que la peur, elle, est une réalité. Après, la question consiste à savoir comment s'en sortir et en parler, dans le but de l'apaiser.
 
Sortir : Et ce travail sur la langue ?
C. Rousseau
: Sylvie Nève développe, d'ailleurs comme nous au sein de la compagnie, un travail sur l'écoute, l'ouïe. L'ouïe, c'est quelque chose qui fait du bien aux oreilles... comme le disait une petite fille à la fin d'un spectacle, l'ouïe, c'est entendre en rigolant. Le but n'est pas de faire peur aux gamins avec des histoires d'ogres, mais surtout de leur faire prendre conscience d'un certaine richesse du langage : quand on joue avec les sons et les mots, l'on peut obtenir de multiples sens, là où l'image impose un sens unique. L'idée de cette écriture, c'est de faire voir et entendre ce qui se passe derrière l'image : c'est le fait du poète.

Sortir : Justement, que voit-on, quelle mise en scène ?
C. Rousseau
: On travaille sur presque rien, du papier kraft, de la soie... une façon de prouver qu'on peut faire du théâtre sans trop d'artifices : on montre comment ça se fait, la construction et la déconstruction du spectacle, ce qui permet, aux enfants notamment, de rentrer dans le jeu. C'est le corps, la matière qui inscrivent l'histoire et non la pensée, pour une identification non pas aux personnages mais aux constructeurs. Et puis souvent au théâtre, le spectateur est tellement fasciné par les images qu'il peut en ressortir sans être sûr d'avoir compris... là, le spectacle montre cet imaginaire, basé sur le mouvement des corps : les jeunes peuvent ne pas être pris par ces peurs, et pourtant les comprendre, à travers cet imaginaire.

Sortir : Une contemporanéité dans la forme donc...
C. Rousseau
: Sauf peut-être une chose : au XVIIème siècle, le petit dernier, c'est celui qui pesait le plus dans une famille, comme un fardeau supplémentaire... tout le contraire d'aujourd'hui : le cadet est roi, tout est fait pour lui et son plaisir. Chez Perrault, le dernier est roi parce qu'il sauve la famille, d'où la fameuse morale : on a toujours besoin de plus petit que soi.