Sortir : Pourquoi avoir réunit ces deux ballets pour enrichir le répertoire du Ballet du Capitole ?

Kader Belarbi : Cette entrée au répertoire apporte vraiment quelque chose de nouveau, autant au niveau stylistique, musical qu’esthétique. Nous présentons ici un répertoire « muséal » dans le bon sens du terme. Ce n’est ni vieillot, ni archaïque. J’ai aussi souhaité reprendre ces ballets datant de 1947 et 1949 pour « redonner un style ». Quand je construis un ballet, je pense d’abord au danseur. Il évolue, il change. Je dois lui apporter la « nourriture », pour lui montrer une certaine façon de danser, en lien avec une écriture chorégraphique particulière. En tant que directeur musical, je souhaite leur ouvrir l’esprit et le corps. Ils doivent « être ». Ces ballets sont narratifs, et les danseurs doivent exister en tant que personnages.  Il n’y a pas de place pour le paraître, sinon ils trichent. Ils doivent « s’incarner » dans l’œuvre. Nous avons 5 semaines pour tout construire. Une tournée est déjà prévue.

Sortir : Henri Sauguet a composé la musique des deux pièces. Change-t-on totalement d’univers d’un ballet à un autre ?

KB : Bien sûr. Dans les deux cas, au niveau musical, nous sommes dans une situation de symbiose entre un compositeur et un chorégraphe. Mais le style de Serge Lifar n’a rien à voir avec celui de Roland Petit. Avec Lifar, on sent une influence esthétique liée à la Grèce Antique. Petit, lui, apporte une vision beaucoup plus parisienne, dérisoire et circassienne. Les Forains sont plus proches de nous. Je dirais même que les univers sont opposés. Le contraste est fort, c’est tout l’intérêt de ce programme.

Sortir : Qu’avez-vous souhaité mettre en valeur dans la mise en scène ?

KB : En tant que chorégraphe, je veux apporter « un bâti », une structure académique, en apportant des choses nouvelles. Ici, c’est différent, je travaille en tant que directeur. Mais je peux également entretenir ce dialogue avec les œuvres. Dans le ballet de Serge Lifar, la notion de transmission est essentielle. Il s’agit de remettre ces ballets en scène avec fidélité, tout en évitant le « poussiéreux ». Comment les danseurs peuvent-ils reprendre ces ballets d’antan dans le même esprit pour en faire quelque chose de vivant ? Comment réincarner ces ballets ?

Sortir : Vous réincarnez ici l’héritage des ballets russes. Y avait-il un manque dans ces esthétiques au sein du répertoire ?

KB : Au jour d’aujourd’hui, je souhaite changer la notion du ballet, en l’orientant vers l’ouverture. C’est ma conception en tant que directeur. Le challenge, c’est de redonner vie au répertoire muséal en lui insufflant de la fraîcheur. Cet alliage entre les couleurs et les univers permet d’être en adéquation avec les esthétiques tout en travaillant sur la diversité. Je ne triche pas avec la qualité du rendu, car tout part du danseur. Je cherche à doter le répertoire du Ballet du Capitole d’un ballet vivant, d’un ballet d’aujourd’hui. Selon moi, un ballet ne doit pas être une vitrine des XIXe et XXe siècles. Il évolue sans cesse.

Sortir : Quels sont vos projets avec le Ballet du Capitole ?

KB : Après trois saisons, les tournées ont pris un essor véritable. L’intérêt des salles, des villes et des festivals extérieurs est de plus en plus fort. Nous sommes invités dans le monde entier : c’est aussi une façon de faire rayonner la ville de Toulouse et de lui rendre ce qu’elle nous donne.