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théâtre

Oiseau-Mouche en liberté

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Bien plus qu'une compagnie de théâtre, l'Oiseau-Mouche est une belle machine à créer de la rencontre. Une Antigone, dernière coproduction maison, tournait la semaine dernière dans des structures sociales de la métropole.

Le nom évoque évidemment des relents d'Antiquité, de théâtre classique et de généalogies un peu oubliées. Avec les futurs spectateurs dans le réfectoire de l'ABEJ (refuge pour les démunis) en ce début d'après-midi, Agnès Sajaloli (qui met en scène la pièce) en rappelle en quelques lignes : Oedipe, fils incestueux et meurtrier, retrouve, dans son spectacle, sa fille Antigone laquelle refuse de se plier à l'édit inique de son oncle Créon lui interdisant d'enterrer l'un de ses frères. Un père et sa fille qui, dix ans durant, ont partagé la route et la mendicité. Des expériences qui résonnent drôlement aux oreilles de spectateurs eux aussi touchés par la détresse et la pauvreté. L'équipe de L'Oiseau-Mouche fait discrètement des miracles pour les inciter à pénétrer dans la salle aménagée pour l'occasion, et c'est timidement que la vingtaine de spectateurs finit par s'installer. Dans un silence impressionné et attentif tous guettent le démarrage de la pièce. Trois quarts d'heure plus tard, les applaudissements se révèlent nourris pour Roland Depauw, Oedipe hiératique cherchant à comprendre sa fille, et Jennifer Barrois, Antigone magnifique et formidable comédienne de l'Oiseau-Mouche.

Faire ses humanités

Les lumières se rallument achevant de briser la glace, à l'invitation de l'équipe les langues se délient, chacun y va de son impression (« il joue très bien l'aveugle », « ça doit être très dur de retenir tous ces mots », « elle pleurait pour de vrai ? » ) et les plus timides, invités à s'exprimer comme les autres. Une vieille dame évoque une formation classique « latin-grec, tout ça... Je connais très bien le mythe et vous l'avez magnifiquement rendu », un autre, le visage fatigué mais la voix agile, est un habitué des sorties théâtre « je suis déjà allé au Garage, un ancien garage justement, puis à la Rose des Vents aussi et au Théâtre du Nord », tous à leur tour réagissent à ce qu'ils ont découvert. Un échange riche se noue, pendants quelques minutes, les spectateurs interrogent ou congratulent la metteure en scène, remercient pour ce coin de théâtre échoué chez eux. Derrière la maladresse des mots affleure la sincérité du sentiment, et si quelques rires fusent, ils sont plus gênés que moqueurs. Tous ne reprendront pas forcément de sitôt le chemin d'une salle de spectacle par manque de moyens, ou par timidité, mais Agnès Sajaloli est heureuse : « Des graines discrètes ont été semées qui viendront à éclore un jour où l'autre ». Cet après-midi là, la culture a éclairé des vies. Dehors il pleut mais tous garderont sans doute précieusement le souvenir de ce moment singulier.

Publié le 01/12/2008 Auteur : Guillaume B.

Mon Antigone
Cie la Tarande. Le spectacle sera repris la saison prochaine au Garage.
L'Oiseau-Mouche
28, avenue des Nations Unies à Roubaix
www.oiseau-mouche.org


Mots clés : théâtre